C'était il y a 50 ans, jour pour jour, qu'une nouvelle ville s'érigeait à une vingtaine de kilomètres au sud de Leuven, de l'autre côté de la frontière linguistique instaurée quelques années plus tôt. Le 2 février 1971, Louvain-la-Neuve est officiellement née.
Créer une ville de toutes pièces
C'est le défi qu'a relevé l'UCL, université francophone née de la scission de l'université catholique de Leuven, alors que l'écho des nationalistes flamands scandant "Walen Buiten" résonne encore dans les esprits : créer une nouvelle ville qui accueillera une université et ses étudiants.
Les autorités universitaires s'accordent à la fin des années soixante sur un site de 900 hectares, situé en bordure du Bois de Lauzelle sur le territoire d'Ottignies. Un endroit balayé par les vents et parsemé de quelques champs de betteraves et de marécages, sur lequel une immense dalle de béton sera bientôt coulée. Nous sommes alors le 20 janvier 1969, le chantier de la ville de Louvain-la-Neuve ne fait que commencer.
Louvain-la-Neuve, d'hier à aujourd'hui
Dans sa conception, la ville doit répondre à plusieurs critères imposés par l'UCL : elle doit être piétonne, ouverte à toutes les catégories socio-professionnelles et garder une taille humaine, point besoin de monuments démesurés ou de larges avenues !
C'est en respectant ces conditions que la ville sort de terre au fil des ans. Une ville, ses rues, ses places, ses monuments que nous vous proposons de découvrir tels qu'ils étaient à leurs orgines, et tel qu'ils sont aujourd'hui. Ouvrez grands vos yeux, et entamons ce voyage dans le temps et dans les rues de la plus jeune ville de Belgique :
C'est sur la Place Galilée (ci-dessus) que commence notre balade. C'est là que, le 20 octobre 1972, l'UCL accueille ses tout premiers étudiants, ils investiront les auditoires Sainte-Barbe alors même que la boue des chantiers colle encore à leurs chaussures.
Adossée à la Place Galilée, on peut voir la Place des Sciences, l'une des premières qui a composé la partie Est de Louvain-la-Neuve, le quartier d'origine de la ville. Son style architectural brutaliste, au béton omniprésent et dénué de revêtement, on le doit à André Jacqumain. C'est ici que les premiers étudiants se rendaient à la bibiliothèque des Sciences exactes, ce bâtiment au toit en biais. Depuis 2017, il abrite le Musée L, au sien duquel repose le patrimoine culturel de l'UCL.
Poursuivons notre chemin en descendant vers la Place des Wallons, en suivant la rue du même nom. Des lieux qui font écho à la "Vlamingenstrat" à Leuven - comprenez "Rue des Flamands". Érigé en 1975, c'est le premier grand axe qui relie le quartier Est de la ville au centre-ville en pleine expansion dans le bas de la rue.
Les premiers commerces s'y installent et la place des Wallons devient rapidement le centre névralgique de la vie étudiante. Les cafés ouvrent et les godets claquent, la place s'anime alors que la ville se développe. Bien peu de choses ont changé aujourd'hui, si ce n'est que la place a été rénovée en 2019 pour laisser place à un peu plus de verdure, les lieux ayant la particularité de ne pas reposer sur la dalle en béton de la ville.
Au pied de la Rue des Wallons, on retrouve les célèbres "Léon et Valérie", la statue de deux étudiants au sommet d'une fontaine située à l'angle de la Rue des Wallons et de la Grand'Rue, sur la Place de l'Université. "Léon et Valérie", des noms choisis par les étudiants en référence à une chanson du folklore estudiantin qu'on vous invite à découvrir par vous-mêmes ! Le pauvre Léon a disparu en 2011 mais, fort heureusement pour lui, son calvaire n'a été que de courte durée.
Alors que les arbres couvrent la vue en arrière-plan de la photo d'origine, on aperçoit aujourd'hui l'entrée du Musée Hergé, consacré à l'œuvre du père de Tintin et Milou, et qui fêtera cette année ses 12 ans.
Descendons quelques marches depuis la Place de l'Université, nous voilà sur les quais de la gare. Fondée en 1975, elle n'a de cesse d'accueillir un trafic toujours plus important et dispose d'une unique liaison avec la gare d'Ottignies ! Jusqu'en 2017, la gare de Louvain-la-Neuve portait encore le nom "Louvain-la-Neuve-Université". La terminaison "-Université" a depuis été amputée, la Ville estimant qu'elle avait plus à offrir que l'université.
Depuis 2005, un large bâtiment recouvre une partie du premier quai : c'est l'Esplanade de Louvain-la-Neuve, un centre commercial construit sur deux étages. Un bâtiment dont l'extension a été rejetée plus récemment par les citoyens qui ont préféré accueillir l'arrivée d'un nouvel écoquartier "Athéna-Lauzelle, dont les grandes lignes se dessinent actuellement.
On reprend notre route à travers la Grand-Rue. À mesure que la ville s'étend, le véritable cœur de la ville se déplace également vers cet axe qui relie la Place de l'Université à la Grand-Place. Les commerces y fleurissent et les bars s'y développent.
Lorsque sonnent la sortie des cours et le temps de midi, ses rues se gorgent d'étudiants. Au moment de photographier la Grand-Rue, un dimanche matin, elle a retrouvé tout son calme.
On aperçoit au loin une des nombreuses fresques qui décorent la ville. L'un des rares types d'œuvres présentes dans l'espace public aux côtés des sculptures et autres statues. La fresque d'origine a été remplacée en 1997 par un trompe-l'œil réalisé par l'artiste Jean-Marc Collier qui donne l'illusion que la Grand-Rue se prolonge sur les murs de l'immeuble qu'il recouvre.
Sur le tracé de la Grand-Rue, se dresse une petite place fort appréciée des étudiants : la Place Rabelais. Cafés et restaurants composent ce petit coin chargé de vie et duquel les étudiants aiment se désaltérer pour échanger quelques rires et regarder défiler les milliers de passants qui arpentent quotidiennement la Grand-Rue.
À deux pas de la Place Rabelais, se trouve la Place Agora, depuis la quelle on aperçoit l'entrée de la Grand-Place de Louvain-la-Neuve. Elle est entourée par les Auditoires Agora ainsi que le "Studio Agora", premier cinéma de la ville reconverti par la suite en auditoires. C'est en 1977 qu'y fleurissent les premiers auditoires, la vie estudiantine s'est depuis complètement décentrée sur cette partie de la ville, en dépit de la Place des Sciences et de la Rue des Wallons.
On aperçoit à l'arrière-plan des photos la façade du Collège Albert Descamps, érigé entre 1976 et 1980, abritant la Faculté de Théologie de l'UCL. Une architecture particulière qui rappelle étrangement un bâtiment clérical et surmonté en son sommet d'une horloge et d'un clocher dont le carillon sonne toute les heures l'air de La P'tite Gayole, chanson bien connue des étudiants.
Notre petite escapade nous emmène sur les fameuses marches de la Grand-Place où les étudiants aiment se prélasser les jours de grand soleil. Une place qui a vu s'ériger au début des années 2000 le Cinéscope, un cinéma composé de 13 salles de projection.
C'est de cette place que s'élance chaque année le départ des 24 heures de Louvain-la-Neuve, le plus important événement estudiantin du pays. 24 heures de fêtes durant lesquelles les vélos serpentent dans les rues de la ville sur le rythme des étudiants qui dansent jusqu'aux petites heures du matin.
À un jet de pierre de la Grand-Place, c'est un large espace vert qui s'ouvre devant nous : le lac de Louvain-la-Neuve. Creusé en 1984 afin de servir d'étang de pêche et de bassin d'orage, le lac de Louvain-la-Neuve est un véritable espace vert au cœur de la ville, une porte d'entrée sur le Bois des Rêves et le Bois de Lauzelle.
Des analyses révèlent en 2009 que les eaux du lac sont fortement polluées. Afin d'assainir le lac et d'en réaménager les bords, une première mise en assec est réalisée : le lac est vidé de ses eaux pendant près d'un an. L'opération sera répétée à deux reprises : en 2014 et dernièrement en 2019, afin de régénérer la végétation.
Vous êtes fatigués? Notre randonnée s'achève après quelques volées d'escaliers, au pied de la piscine du Blocry. Un complexe sportif sorti de terre en 1981 qui abrite deux bassins : la piscine communale (basse) et l'autre, à vocation pédagogique (haute). Des eaux vouées à disparaître puisqu'elles se verront prochainement remplacées par un bassin olympique de 50 mètres de long sur 25 de large, la rénovation de la piscine du Blocry ayant été jugée trop coûteuse.
Bien peu de choses ont finalement changé au regard de ces images. Louvain-la-Neuve n'est plus si neuve mais elle est encore très jeune pour une ville. Et elle n'a pas fini de s'étendre, loin s'en faut, puisque le dernier projet de développement urbain en date verrait l'arrivée de quelque 3.500 nouveaux noms dans les registres de la ville.
À quoi pourra bien ressembler la ville le jour de ses 100 ans? Pas de doute, son visage aura encore un peu changé, la ville se sera encore un peu enrobée. Mais pour en être bien sûr, on vous donne rendez-vous dans un demi-siècle.
Florentin Franche - Photos : Adelin Massart